Art-thérapie

La joie au bout des doigts

SOMMAIRE

Il y a cinq ans, Solange Ayel intervenait à la Maison Perce-Neige de Colombes pour remplacer une art-thérapeute durant quelques mois. Depuis, l’aventure se poursuit avec des séances hebdomadaires dans les Maisons de Colombes et Bois-Colombes. Toutes les techniques artistiques sont mobilisées pour proposer aux résidents des moments de création et de plénitude.

 

Solange, êtes-vous artiste, art-thérapeute ou les deux ?

Je suis à la fois artiste plasticienne et art-thérapeute ! J’ai été formée à l’école Inecat, fondée par le psychiatre Jean-Pierre Klein qui a introduit l’art-thérapie en France. J’ai également suivi des cursus en médiation artistique et coaching par les arts. Grâce à ces différents enseignements, j’interviens chez Perce-Neige mais aussi dans une structure d’insertion qui accueille des personnes en grande précarité et auprès de seniors peu autonomes. En parallèle, j’ai monté mon propre atelier à Colombes. J’y reçois des enfants ou adultes en difficulté et je développe mes créations.

Comment s’organisent vos ateliers chez Perce-Neige ?

J’anime deux groupes à Colombes de 3 ou 4 résidents, les mardis et jeudis matin. Nous disposons d’une salle dédiée avec le matériel qui reste sur place. A la MAS (maison d’accueil spécialisée) de Bois-Colombes, où je me rends un après-midi par semaine, ce sont plutôt des séances individuelles de 30 minutes car les résidents sont moins autonomes qu’à Colombes.

Quelles activités pratiquez-vous ?

J’adapte selon les matériaux qui conviennent à chacun : de la peinture à doigt, de la gouache solide, des pastels, des collages. La semaine dernière, j’ai expérimenté un travail avec de la barbotine, une argile fine blanche qu’on étale sur une surface colorée. Avec leurs mains, les résidents ont tracé des formes et des dessins. Cette surface est très douce. Il y a un monsieur qui, suite à un AVC, a des problèmes de mobilité d’un côté, il a du mal à « se mettre en création ». Le contact chaleureux de la barbotine lui a donné l’envie de se lancer. J’essaie toujours d’éveiller leur curiosité en apportant des nouveautés, de la peinture fluo par exemple ou des paillettes.

Les résidents participent-ils volontiers ?

Oui, nous sentons leur plaisir à produire une création. De toute façon, il n’y a aucune obligation. Je teste et s’il y a opposition, je n’insiste pas. Il arrive que l’un d’entre eux n’ait pas envie de prendre un pinceau. Alors il feuillette un livre de peinture et reste dans la salle avec nous, paisiblement.[…] Peu importe le degré de participation, c’est avant tout le bien-être qui compte.

Quels bienfaits constatez-vous avec ces ateliers artistiques ?

Après chaque séance, je consigne mes notes dans un carnet, partagées ensuite avec les équipes. Nous établissons un bilan une fois par an, que nous rapprochons du projet personnalisé du résident. Je pense à une jeune femme que nous incitons à participer davantage à la vie collective. Et bien, elle reste avec moi en fin d’atelier et m’aide à ranger la salle. J’ai à l’esprit également un monsieur très agité. Il vient de l’extérieur et arrive souvent stressé à cause du transport et des changements que cela induit pour lui. À l’issue de l’atelier, il repart totalement apaisé.

 

Déroulé d’un atelier en vidéo

Vous dites que ce moment de création est une rencontre avec eux-mêmes.

Oui, ces activités artistiques leur apportent une nourriture de l’intime. Dans ces ateliers, nous leur offrons une parenthèse qui leur appartient, une bulle de sérénité en dehors de l’environnement collectif.

Et vous, quelles sont vos réactions face à leurs créations ?

Je passe beaucoup de temps à m’émerveiller. Ils sont très sensibles à ce regard. Souvent j’encadre une peinture, ou j’agrandis un dessin pour l’afficher. Cela les rend très fiers ! L’autre jour, un résident était triste, j’ai pris une loupe et nous avons joué avec le soleil pour envoyer des reflets sur sa feuille. Ce mouvement avec la lumière lui a redonné le sourire.[…]

Extrait article du magazine de la Fondation, avril 2023