Son engagement avec Perce-Neige

Perce-Neige, le combat de sa vie

Acteur incontournable, Lino Ventura était aussi le père d’une « enfant pas comme les autres ». Son combat pour sensibiliser la société au handicap fut le rôle de sa vie. Un rôle à l’origine de la Fondation Perce-Neige, aujourd’hui présidée par son petit-fils Christophe Lasserre-Ventura.

Son véritable combat, c’est Linda. Là c’était véritablement le commencement de quelque chose de différent (…) C’est ce qui a transformé sa vie, beaucoup plus que tout le reste
Jacques Chancel

Linda, sa fille « pas comme les autres »

1958 : Odette et Lino Ventura deviennent parents pour la troisième fois, d’une petite fille prénommée Linda. Peu à peu, le handicap mental de l’enfant se révèle. C’est une enfant « pas comme les autres ». Ses parents recherchent un établissement spécialisé. Ils ne peuvent que constater le manque de moyens de ces structures quand elles existent. Une question obsède alors les Ventura : « que deviendra notre fille lorsque nous ne serons plus là ? ».

L’appel du 6 décembre 1965

Ce soir-là, le visage de Lino Ventura apparaît sur les écrans de l’ORTF. Pas pour un film cette fois-ci même si le comédien joue ce soir là le rôle de sa vie. Il est là pour lancer un appel émouvant. L’appel d’un père ; le père d’une enfant handicapée. Face aux Français, il expose trois problèmes : il faut aider ces enfants « pas comme les autres », soutenir leurs parents et surtout accompagner ces enfants handicapés tout au long de leur vie.

J’ai pris le parti de le dire publiquement parce que j’espère de tout mon cœur que cela fera pencher la balance en notre faveur. Je suis père d’une enfant pas comme les autres .
Lino Ventura

« Besoin de justice et de la chaleur humaine »

« Que deviendront-ils lorsque leurs parents ne seront plus là ? », se demande Lino Ventura. Il ajoute les yeux droits dans la caméra et la voix chargée d’émotion : « ce n’est pas de la pitié dont ils ont besoin, mais de chaleur humaine ! ». Il en appelle à la générosité des Français. Ce qu’il veut c’est construire un centre pilote qui permettra la prise en charge de ces enfants, « où on leur apprendrait à faire quelque chose de leurs mains afin qu’ils soient réinsérés dans la société ». Le vibrant témoignage de cet homme habitué à jouer les durs se termine sur ces mots : « Il faut que je réussisse. »

Les prémices de Perce-Neige

L’appel de Lino Ventura est entendu par de nombreux Français et notamment par ses amis du métier. Jean Gabin et Jeanne Moreau relayent son message ; Georges Brassens donne un concert au Théâtre des Champs-Elysées… Et la générosité des Français suit. Deux millions de francs sont récoltés. Perce-Neige naît de cet élan de solidarité.

Le combat de sa vie

5 mois plus tard, en mai 1966, Lino Ventura et son épouse Odette fondent Perce-Neige… Son combat, l’ancien lutteur le mènera sans relâche, consacrant l’essentiel de son temps libre à l’association jusqu’à sa disparition. En 1982 il gagne une victoire : la première Maison Perce-Neige ouvre ses portes à Sèvres, dans les Hauts-de-Seine.

Inauguration de la Maison Perce-Neige de Sèvres en 1982

Des avancées significatives

Le combat que Lino Ventura a mené avec obstination, comme de nombreux autres parents, a permis de faire évoluer les mentalités sur la question du handicap. Lentement mais sûrement. La publication en 1975 de la Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées et celle de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées leur doivent beaucoup.

50 Maisons Perce-Neige

Reconnue d’utilité publique en 1976 et présidée par Christophe Lasserre-Ventura (petit-fils de l’acteur), Perce-Neige continue aujourd’hui l’œuvre de Lino Ventura en apportant aide, accompagnement et hébergement aux personnes en situation de handicap mental et de polyhandicap. Depuis plus de 55 ans, Perce-Neige crée des Maisons sur l’ensemble du territoire. Il y en 50 à ce jour. Ce n’est pas encore assez. Soulevé en 1965 par Lino Ventura, le manque de structures adaptées, reste d’actualité.

3 questions à Christophe Lasserre-Ventura


« Le combat continue »

Perce-Neige : En 1965, quand Lino Ventura lance son appel, beaucoup d'enfants en situation de handicap ne sont pas reconnus et vivent « cachés ». Plus de 55 ans après, comment vivent-ils ?

Christophe Lasserre-Ventura : Grâce au travail des associations, familles et institutions, le regard sur les personnes handicapées mentales a heureusement évolué de manière positive au fil des décennies et leur place s’est affirmée dans notre société. Les enfants sont beaucoup mieux accompagnés aujourd’hui dès leur plus jeune âge. Pour les adultes non reconnus aptes au travail, différents types d’établissements peuvent les accueillir, leur proposant un accompagnement personnalisé et des activités adaptées. Mais il reste encore beaucoup à faire, car de nombreuses familles restent désemparées face à la pénurie de places dans les établissements médico-sociaux…

Perce-Neige : Selon vous, qu’a réussi à faire Lino Ventura ?

Christophe Lasserre-Ventura : L’appel de Lino Ventura à l’ORTF en 1965 a profondément marqué l’opinion publique et a permis de lever le voile sur un sujet dont les médias ne parlaient guère à l’époque… Touché par sa sincérité et son engagement, le grand public l’a suivi et a immédiatement fait preuve de générosité. Mon grand-père s’est battu sans relâche et tout au long de sa vie pour faire reconnaître les droits des personnes « pas comme les autres ». Il voulait que les personnes handicapées puissent bénéficier d’un accompagnement adapté au sein de petites structures conviviales. Je pense pouvoir dire aujourd’hui qu’il a réussi !

Perce-Neige : Où se situe le combat de Perce-Neige aujourd’hui ?

Christophe Lasserre-Ventura : Notre combat est loin d’être terminé. De nombreuses familles nous sollicitent quotidiennement car elles sont à la recherche de solutions pour la prise en charge de leur enfant ou proche. Il nous importe de poursuivre notre développement par la création ou la reprise d’établissements et aussi par notre participation à la recherche et à la formation. Dans le contexte de restructuration du secteur médico-social actuel, il nous faut travailler, en collaboration avec les pouvoirs publics, sur de nouveaux projets innovants pour l’accueil et l’accompagnement des personnes en situation de handicap. Je sais que nous pouvons compter sur le soutien de nos donateurs et mécènes pour initier de nouveaux projets. Ensemble, nous pourrons relever les défis de demain !