La salle multisensorielle,
lieu de rencontre
et d’interactions

SOMMAIRE

Avec l’approche multisensorielle, l’expression « avoir les sens en éveil » prend toute sa signification. Solliciter le toucher, l’odorat ou la vue notamment peut contribuer à favoriser la communication avec une personne déficiente intellectuelle ou autiste, ainsi que l’interaction avec son entourage. Cela permet également de prévenir certains troubles en apportant des moments de calme et de sérénité.

 

Dans le ventre de sa mère, déjà, le bébé perçoit et reçoit certains stimuli sensoriels, comme les sons ou les vibrations. Puis dès sa naissance, il va développer ses capacités d’échanges, avec ses parents notamment, grâce au regard, à la voix, au contact physique. L’heure du bain, une berceuse fredonnée doucement ou un câlin avec l’un de ses proches sont autant de sensations qui, petit à petit, construisent le toutpetit en lui donnant la perception de son corps, d’une vie qui lui est propre.

Ce processus d’individuation est souvent absent, ou inachevé, chez nombre de résidents des Maisons Perce-Neige. Pour les personnes autistes ou déficientes intellectuelles, « exister en tant qu’individu peut être difficile à élaborer psychiquement, et les particularités sensorielles que présentent certaines d’entre elles compromettent encore plus ce sentiment d’unité corporelle, ainsi que les interactions avec l’environnement. La prise en charge multisensorielle apporte un soutien dans l’individuation et l’unification du corps », note Margaut Tisseuil, psychomotricienne.

 

De quels sens parle-t-on ?

L’approche multisensorielle fait bien sûr appel à l’ouïe, l’odorat, la vue, le goût et le toucher, mais aussi au proprioceptif (position du corps dans l’espace) et au vestibulaire, relatif à l‘équilibre et au mouvement.

Un huitième sens est également visé, le vibratoire, qui concerne aussi l’unité de l’enveloppe corporelle.

Une salle dédiée à cette pratique contient des équipements susceptibles d’activer ou d’atténuer l’ensemble de ces sens ou certains sens, de façon personnalisée selon le profil sensoriel, les envies, les possibilités et le rythme de chaque résident. Elle est aménagée pour permettre à chaque personne de vivre des expériences tournées vers la détente et le bien-être. Loin de toute idée de performance ou de résultat, une séance multisensorielle repose avant tout sur les capacités d’écoute et d’observation de l’accompagnant. Dans cet espace, le participant a le choix de ce qu’il veut faire, rien ne lui est imposé.

 

Tout est sur-mesure

Avant que ne soit proposée une séance multisensorielle à un résident, le Dr Didier Lucquiaud, psychiatre de la Maison Perce- Neige de Cigogné (37), préconise qu’un profil sensoriel soit réalisé par l’ergothérapeute et la psychologue. « Pour cela, nous utilisons le questionnaire DUNN, ou BOGDASHINA, plus adapté aux personnes autistes. Et nous avons commandé également l’échelle d’Évaluation Sensorielle de l’Adulte avec Autisme (ESAA) de Claire Degenne. Avec ces outils, nous mesurons l’hyper ou l’hyposensibilité à tel ou tel sens, et nous modulons la séance selon les résultats. L’important est de bien comprendre ce qui dérange le résident et qui le rend indisponible, comme le bruit pour certains, et quel est le meilleur canal pour entrer en communication avec lui. » Aucun planning n’est généralisé, tout est sur-mesure (…).

Un moment unique, loin de toute agitation

Dans un coin de la salle baignée d’obscurité, une colonne à bulles répand une lumière verte et bleue. Des effluves d’huiles essentielles1 enveloppent Sophie. Cette résidente de 55 ans souffre de déficience intellectuelle sévère. Attentive, Isabelle Sibille, aide médico-psychologique à Cigogné, sait que Sophie fatigue vite. Pour elle, la séance multisensorielle ne doit pas durer trop longtemps. Isabelle a remarqué qu’elle apprécie surtout les stimulations visuelles, comme des jeux de lumières colorées, ou des paysages projetés sur le mur. « Il n’y a pas de temps défini, tout dépend du résident. Certains peuvent rester ici de 30 à 50 minutes. Dans tous les cas, nous nous adaptons.»(…)

Cette adaptation de l’accompagnant est essentielle. Margaut Tisseuil le reconnait, «accompagner le résident passe par le fait de l’autoriser à ne pas être actif pendant ce temps-là : s’il souhaite s’allonger et regarder les lumières au plafond, c’est qu’il y trouve un intérêt, il faut donc le laisser, et peut-être amener des propositions au fur et à mesure que la détente s’installe. Si je sens qu’il peut être actif, je lui tends une balle ou un pinceau et j’observe sa réaction. »

Toutes ces informations sont consignées dans une fiche complétée à la fin de chaque séance. « Ce bilan détaille la durée, le matériel utilisé, l’état du résident avant et après, ses réactions et ensuite, nous en parlons entre nous afin d’ajuster les stimulations et leurs fréquences », précise Manon Lancelin, ergothérapeute.

 

Le reste de la journée se passe mieux

Unanimes, tous les professionnels qui la pratiquent soulignent les bénéfices de l’approche multisensorielle dans une fonction pro-active (permettant de prévenir les moments de surcharge sensorielle, de favoriser la régulation émotionnelle et comportementale). Elle favorise le lâcherprise, c’est l’un de ses principaux objectifs (…).

Prudence Cantais note également des bienfaits concernant le sens vestibulaire.« Pour les personnes en fauteuil roulant, on peut aborder les changements posturaux grâce au matelas à eau par exemple. C’est une démarche contenante, où la personne à mobilité réduite sort de son fauteuil en toute sécurité. Elle est tenue physiquement et psychiquement, et ressent ses limites corporelles de manière agréable, tout en étant accompagnée. Chaque personne participante peut ainsi affiner la conscience de son corps. » Les accompagnants remarquent d’une manière générale un relâchement musculaire bénéfique après chaque séance multisensorielle. Les résidents sont ainsi plus sereins pour le restant de la journée.

 

Extraits du magazine Perce-Neige n°40, été 2021

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La prise en charge multisensorielle est née il y a plus de 50 ans. Elle a notamment été formalisée par les Hollandais dans les années 1970 sous l’appellation Snoezelen®, un mot composé par la contraction de Snuffelen (renifler, sentir) et de Doezelen (somnoler). Les deux termes associés évoquent l’exploration sensorielle et la détente.

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